ENTRETIEN : Myriam Parpaite, Cadre de santé, responsable de la salle de naissance, bloc césarienne à la maternité des Diaconesses, Paris.

« Le jardin a eu une place vitale qui nous a permis de traverser cette période de manière plus sereine »
Myriam Parpaite

Cadre de santé, responsable de la salle de naissance, bloc césarienne à la maternité des Diaconesses, Myriam Parpaite travaille dans le service depuis 2014 et nous livre le vécu du jardin par l’équipe de la maternité pendant la crise du Covid.

« Je connais bien le site et le jardin aussi. Le jardin est un lieu à part entière pour le cadre de vie de tous que l’on soit patients, familles ou soignants. Il participe au cadre de vie et de travail particulièrement agréable. Le jardin c’est comme une extension de la salle de travail et de notre accompagnement.

Pendant cette crise du Covid, la maternité n’a pas été le service le plus impacté mais la menace planait dans tous les services. On a joué le jeu du confinement mais en bénéficiant d’un contexte moins critique qu’à l’unité de soins palliatifs (USP). Dans des conditions limitées pour assurer leur sécurité puisque le conjoint ne pouvait pas être présent, nous avons pu maintenir l’accès au jardin pour que certaines patientes puissent effectuer leur pré-travail, gérer leurs contractions. En temps normal, sur le plan du moral, le jardin fait du bien. Nous pouvons garder un bébé en pouponnière pour que la femme se détende, ait des moments privilégiés avec son conjoint.

Les soignants n’ont jamais été autant dans le jardin qu’en temps de Covid

En général, en tant que soignants, nous avons peu de temps pour aller dans le jardin. Pour des journées de garde, on reste du côté de la maternité, près du bâtiment, cantonné à côté de la radio pour fumer. Le jardin est devenu un vrai moment de décompression dans la lourdeur et la tension du quotidien et de la crise en particulier. Nous étions bien mieux pour respecter une mesure de distanciation physique à l’extérieur qu’à l’intérieur.

On veillait à ce que les soignants puissent y déjeuner en faisant des tours. Nous nous sommes beaucoup plus aventurés dans le jardin et autour de la fontaine qui s’est révélée être le lieu de vie partagé avec l’USP. On a fait des réunions d’infos Covid au fond du jardin, plus loin de notre zone habituelle. Moi par exemple, cela m’arrivait après des gardes de week-end de prendre vingt minutes à la fontaine avant de rentrer chez moi.

Ici, à Reuilly, nous sommes en plein Paris. Mais en fait on entend assez peu la rue du Sergent Bauchat. Le bâtiment fait office de barrière, de protection vis à vis de l’extérieur. Cela filtre déjà la fréquentation. Dans ce jardin, on est vraiment dans un environnement unique… c’est la Nature ! On s’y sent vraiment bien. Si on avait eu une cour bétonnée, c’est sûr que ça n’aurait pas du tout le même attrait . C’est clairement moins tentant, cela ne met pas le même baume au cœur qu’un jardin où l’entend les oiseaux chanter. J’espère vraiment que la crise du Covid avec toutes les mesures de protection sanitaire ne sera pas un frein, si l’on compare à tous les bienfaits que procurent le jardin.

Le jardin comme sas de décompression

Avec le confinement, il y a eu un gros changement, une activité plus calme que d’habitude qui a vraiment favorisé l’appropriation du jardin par les soignants. C’était une vraie possession ! L’organisation était très différente pour la sécurité des patientes. Les femmes enceintes étant plus inquiètes de se déplacer, cela a fait le tri dans les urgences. Grâce à la téléconsultation qui a bien filtré les urgences, couplé à un moment où l’on avait moins d’inscriptions. Nous nous organisions des petits rendez-vous pour se voir, pour prendre ce temps partagé par les services. Certains s’accordaient une demi-heure pour rester dans le jardin, pour se faire du bien au maximum avant de reprendre sa garde ou avant de rentrer chez soi. Un vrai sas de fin de journée !

Je pense que cette habitude va durer. Aujourd’hui, les équipes s’organisent spontanément en petits groupes ou tous seuls.

Avec un planning de repas, l’habitude de déjeuner dans le jardin dès que l’activité le permet a l’air de perdurer ! Les 45 minutes de repas ne sont pas comptées dans nos heures, donc au lieu de perdre du temps à manger à l’extérieur ou rester à l’intérieur, on sera au jardin. Nous avons pris l’habitude de déjeuner dans l’herbe alors que nous ne sommes pas supposés le faire. Il y a même un panneau qui spécifie que c’est interdit. Nous nous sommes permis des choses car nous en avions vraiment besoin.

Pour le long terme, je pense qu’il vaut mieux dédier certains espaces à des usages et activités spécifiques.

Une chance qui favorise les partages entre patientes et soignants

Est-ce qu’il faut créer un endroit dédié au repas bien aménagé avec le mobilier adapté et des espaces plus sauvages pour flâner ? C’est une vraie question ! On est tous très conscients que c’est une chance incroyable d’avoir ce jardin dans un hôpital, cette conscience fait qu’on a envie d’en prendre soin. Je n’ai jamais trouvé de déchets dans la pelouse après nos repas, il y a un vrai respect de cet endroit.  Je ne fais pas un entretien de recrutement sans qu’on me dise que cet endroit est incroyable, grâce à son jardin.

La question de l’intimité entre les différents usagers du jardin se pose et en même temps, ce sont aussi des moments de partages entre les soignants et les patients en dehors du médical. Les patients sont des personnes avant tout et nous avons des échanges informels dans le jardin que l’on n’aurait pas eu autrement. Par exemple, quand une femme voit des étudiants prendre l’apéro pendant ses contractions, je me pose la question : « Est-ce qu’elle peut manquer d’intimité ? ». Peut-être qu’elle ne les remarque même pas. Je pense aussi aux joggeurs du quartier qui venaient courir ici pendant le confinement. S’il n’y a pas d’abus particuliers, je pense que tous les usages peuvent cohabiter.

Des projets en gestation pour le futur du jardin

Il y a toujours à découvrir dans ce jardin, on apprend à le connaitre au fil des années. Comme les deux terrasses de la maternité qui sont à valoriser. Il y a déjà une table pour prendre un café. Ce sont des endroits qui pourraient faire comme des coins salons, très ensoleillés, pour une pause rapide à proximité des accès de la maternité. On garde toujours, malgré tout, la notion de surveillance. Lorsque l’on sera à Malvesin (le bâtiment de l’USP), notre lieu de rassemblement sera la fontaine et sa terrasse.

Sinon il reste un sujet qui me tient à cœur. En tant que fumeuse, j’ai toujours un souci lorsque je fume dans le jardin en voyant « hôpital sans tabac ». Je comprendrais parfaitement que ce soit interdit car on est dans un lieu de soin. Et en même temps, c’est une réalité qui se retrouve partout.

On est assez nombreux à fumer, les patients, le personnel mais aussi par exemple les futurs papas qui en général fument pas mal à cette occasion. Pour les personnels qui ont une tenue de travail, c’est toujours embêtant d’être face aux patients. Et en même temps c’est aussi un moment d’échanges entre eux. Je me disais que ce serait intéressant de trouver un endroit en retrait du flux des patients, un endroit isolé, plus intime pour préserver les enfants qui se promènent, les femmes enceintes avec leurs nouveaux nés. Comme à l’hôpital d’Avron, on pourrait imaginer un coin qui ressemble à un abribus. Et trouver un autre endroit plus tranquille, un peu à l’écart mais accessibles en fauteuils. Par exemple, la terrasse au rez-de-chaussée de Vermeil, où l’on peut être caché ou le coin jardin près de l’école des infirmiers. Il faudra désengorger la place de la fontaine qui sera vraiment l’endroit du rassemblement donc trouver des alternatives. On pourrait avoir une condition dérogatoire pour permettre aux soignants et patients de fumer plus officiellement dans des espaces adaptés. Il faut un vrai parti pris soit on l’interdit, soit on aménage !  Ce sera sûrement mieux compris. J’irai explorer le jardin pour voir si je trouve des idées lumineuses pour ça.

PROJET : AVANT

PROJET : APRES