En mai, fais ce qu’il te plait !….enfin, presque…
(ou comment cultiver sa faculté d’adaptation)
Il y a parfois des moments dans la vie où les choses ne vont pas comme on veut. Jeudi dernier nous devions organiser une Fête des plantes. Je me réjouissais à l’idée de pouvoir enfin réinvestir cette grande table de jardinage, que nous avons tant de mal à entretenir à cause de son exposition plein sud et de ses malfaçons : elle est trop haute et seules les personnes debout peuvent travailler, et comble pour un jardinier, la hauteur de terre n’est que de 8 cms ! Oui, oui, vous avez bien lu, 8 cms sur une dalle de béton.
Qu’à cela ne tienne, cette année nous avons décidé de remplacer la vieille terre qui s’était bien compactée.
La table attendait ce beau jour de Mai pour être garnie de capucines, de plantes grasses et d’aromatiques, que nous avions semées et bouturées depuis le mois de février.
Au programme, repas dans le jardin, puis ateliers aromathérapie et jardin dans une ambiance musicale apaisante, toujours dans le jardin. Les familles étaient invitées à se joindre à nous. Sauf que…
La veille au soir, déjà, les prévisions météo n’étaient pas vraiment bonnes. Beau ciel…avec mistral annoncé à 60/70 kms/h. On n’y croit pas…on se couche en se disant que la météo s’est trompée, elle se trompe si souvent ! Hélas, pas cette fois.
Jeudi matin, le ciel est bleu, de ce bleu si profond et si beau. Mauvais signe. Le mistral est un vent qui rend le bleu du ciel merveilleux, un vent qui rend fou aussi et qui exacerbe les humeurs. Dès mon arrivée, je sens la tension et l’inquiétude de mes collègues. Je suis moi-même d’assez mauvaise humeur. Les amies qui devaient m’aider se sont toutes décommandées. Le mistral fait peur !
Après concertation, nous décidons d’adapter le programme en renonçant au repas et à la séance de plantation dans le jardin. Reste l’atelier aromathérapie et le musicien, l’atelier jardin sera transformé en atelier floral, les vases que les résidents ont décorés vont pouvoir être étrennés ! c’est génial !
Il y a dans le jardin de l’Ehpad des roses, des iris, je coupe quelques branches de lilas, de seringa, de boules de neige…
Jouer avec le temps, essayer de faire au mieux, compte tenu des circonstances…
Nous installons les tables au milieu de la salle d’animation, préparons la salle pour Micka, l’aromathérapeute qui sera là dans peu de temps et inviter les résidents à s’installer. Nous pouvons commencer. Chaque résidente a devant elle son vase, ses fleurs. Nous veillons à ce que chacune est une fleur de chaque variété pour éviter les jalousies, c’est important, tout ça. Et là, la magie opère…Elles discutent entre elles, négocient, se chamaillent aussi. Dans le salon des familles, Micka fait découvrir, reconnaître les plantes, romarin, thym, lavande…on touche, on sent, on raconte ses souvenirs, on partage ses recettes…et pour finir, on déguste une délicate tisane de thym pendant que Didier, le musicien s’installe.
Le récital va bientôt commencer, on range les tables, on installe les jolis bouquets juste derrière lui. Les résidents qui se reposaient descendent et s’installent. Le goûter est servi et dès les premières notes, l’atmosphère s’apaise, les résidents se laissent bercer par ces chansons de Brassens, de Jean Ferrat et de Barbara. Une heure et demie de douceur et puis chacun repart à ses occupations, discute de l’après-midi, qui ne s’est pas vraiment passé comme prévu, mais qui nous a fait du bien, à tous, malgré le mistral.
Ce qu’il faut retenir de cette journée, c’est que jamais, rien n’est figé, qu’à tout moment les objectifs que l’on se fixe en Ehpad, dans la vie en général, peuvent être modifiés, pour mille et une raisons. Ne pas baisser les bras, rebondir et transformer afin d’offrir le meilleur (dans ce cas, le moins mauvais) à des personnes fragiles et si sensibles. Faire de chaque instant, un instant qu’elles vivront, là, maintenant et qu’elles oublieront peut-être dans une heure.
Jongler avec la météo, les humeurs de chacun. Pari réussi cette fois-ci.
Nous investirons la table de jardinage une autre fois, si le temps le permet ! 😊
Carole Nahon