Plante à découvrir / Les fraises du Jardin des Anciens

Des fraises dans un jardin thérapeutique, a priori, c’est assez attendu. Ce qui l’est moins, c’est quand elles poussent sur un arbre… Germain Ostertag, kinésithérapeute au Groupement hospitalier régional Mulhouse Sud-Alsace (GHRMSA), nous en dit plus sur son « arbre à fraises »…
 
Jérôme Rousselle : La fraise fait partie des cultures maraîchères or tu me parles d’arbre… quel est ce mystère ?
Germain Ostertag : (rires) En effet, le nom « arbre à fraises » peut porter à confusion. Il s’agit en fait de l’arbousier, un petit arbre qui porte des fruits rouges pouvant ressembler à la fraise des bois. Cette confusion, le fait que le fruit soit comestible et le côté intrigant de cet arbre peu répandu dans ma région m’ont donné envie de l’installer dans le Jardin des Anciens, le jardin thérapeutique que j’ai créé dans l’hôpital de jour où je travaille.
Jérôme : Mais pardon, es-tu kinésithérapeute ou jardinier ?
Germain : Je suis bien kiné ! J’interviens dans le pôle gériatrique du Groupement hospitalier régional Mulhouse Sud-Alsace (GHRMSA). En tant que kiné, l’activité physique est au cœur de ma pratique. Or le sport est parfois perçu comme rébarbatif par mes patients, sans lien avec leur vie quotidienne. Si je veux qu’ils reproduisent chez eux les mouvements que nous faisons ensemble, il me faut trouver une activité physique motivante. Et justement, le jardinage est perçu comme un loisir au-delà de la seule hygiène de vie. Au cours de mes expériences et rencontres précédentes j’avais eu l’occasion de découvrir l’hortithérapie et de prendre conscience de l’intérêt qu’il pourrait y avoir à associer mon métier et ma passion pour le végétal. Je me suis donc formé au jardin de soin et à l’hortithérapie avec Terr’Happy.
Jérôme : Parle-nous de la création de ce jardin…
Germain : Le projet de Jardin des Anciens est né en 2022, sur le site de l’hôpital – EHPAD de Sierentz, pour aider les personnes âgées qui fréquentent cet hôpital de jour à rester autonomes. En novembre 2022, on a obtenu l’accord de l’administration pour le déblocage de 1000 € pour acheter semences et matériel. Ce budget modeste nous a invité à faire preuve d’imagination. C’est ainsi qu’un agriculteur nous a fourni des bottes de paille qui, associées deux par deux et creusées en leur milieu, font de parfaites jardinières à la hauteur des patients, une solution à la fois bon marché et écologique, puisque ces jardinières ne contiennent ni plastique ni bois traité. Bien sûr, au bout de quelque temps, elles ont tendance à s’affaisser mais leur délitement participe à enrichir le sol. On a commencé l’activité en avril dernier. En parallèle, on a lancé un vote pour trouver un nom et permettre aux personnes au lit de participer à ce jardin. Parmi une dizaine de propositions, c’est ce nom de « Jardin des Anciens » qui a remporté la majorité des suffrages. Avec 200 votants, dont des soignants, cette opération a également permis une bonne appropriation du projet.
Jérôme : Peux-tu nous décrire le Jardin des Anciens ?
Germain : Il se trouve sur une parcelle d’environ 200 m2. On y est allé progressivement, en lassant des zones en friche, notamment pour faire la pédagogie de la biodiversité, expliquer le principe de la tonte raisonnée, etc.. Aujourd’hui, on utilise environ 30m2. On a laissé des espaces entre les bacs pour faciliter la circulation. Nous avons planté des tomates, des aromatiques, des petits fruitiers (framboises, mûres, fraises) en privilégiant des espèces sans épines car on a des patients sous anticoagulants. De la même manière, afin d’éviter les risques de confusion chez d’autres patients, atteints eux de troubles cognitifs, on a décidé de ne pas planter d’ails ou d’oignons dont les bulbes pourraient être confondus avec ceux, toxiques, des tulipes, narcisses ou jacinthes. On s’est essayés à la culture en lasagnes, sur lesquelles on a planté des tournesols et du maïs à popcorn ‘Glass Gem’, pour donner du volume et jouer un rôle de brise-vue. Avec ses grains multicolores, le maïs pop corn suscite plus d’intérêt que le mais traditionnel associé à un aliment sans grand intérêt voire dédié à l’alimentation animale. La récolte permettra de faire un lien avec la cuisine thérapeutique, mais aussi de l’art plastique avec les animateurs. On cherche toujours à voir si la plante peut avoir un intérêt pour différentes activités.
Jérôme : Et alors, l’arbousier, dans tout ça ?
Germain : On l’a planté courant septembre, avec des patients. La volonté était d’installer un arbre, symbole de vie, dans notre jardin. Le plant qu’on a acheté ne mesure pour le moment que 30 cm, une taille un peu anecdotique qui fait que la symbolique de l’arbre n’est pas immédiatement perçue par tous mais à terme il pourrait mesurer 2 m de haut sur 3 de large.. Je voulais quelque chose qui intrigue. L’arbousier est un arbre peu connu dans l’Est car plutôt méditerranéen. Il a tout de même une bonne rusticité, jusqu’à -17°C. Il offre un bel intérêt ornemental avec ses feuilles persistantes, d’un vert sombre brillant, qui se détachent bien sur la couleur rougeâtre de sa ramure et même couleur framboise pour les jeunes tiges. Ses fleurs en forme de grelots sont très atypiques par rapport à celles d’autres arbres fruitiers. Elles suscitent un petit émerveillement et évoquent le muguet sans en avoir la toxicité. Le fruit est une petite boule d’aspect granuleux et passe du jaune doré au rouge vif. Cette couleur très franche donne de la vie au jardin en plein hiver. Et comme le mûrissement des fruits, très lent, prend quasiment une année, l’arbre peut porter en même temps ses fleurs et ses fruits, ce qui est une nouvelle source d’étonnement. Par ailleurs, ses feuilles coriaces, ses branches dont l’écorce s’exfolie légèrement, ses fruits granuleux, tout ça est également d’un grand intérêt tactile. De plus, on peut le bouturer facilement et permettre à chacun d’en ramener chez soi.
 
Fiche d’identité
Nom commun : arbousier, arbre à fraises
Nom latin : Arbutus unedo L.
Famille : Ericacées            
Arbuste fruitier persistant de la famille des bruyères, comme la myrtille, l’airelle ou le rhododendron. À la différence de ses cousins, il n’exige pas un sol strictement acide mais est plutôt tout terrain. S’il est comestible, le fruit n’est pas non plus d’une saveur exceptionnelle, au point que Pline l’Ancien explique que son nom unedo vient de ce qu’on n’en mange qu’une (unum edo) !
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