Plante à découvrir / Le poireau, un discret qui gagne à être connu

Dans la médiation, l’animation autour du vivant, l’effet de surprise est souvent un bon moyen de susciter l’intérêt des publics ou de permettre une bonne mémorisation d’informations que l’on souhaite partager. C’est ce qu’à bien compris Christelle Forestier-Jouve, jardinière soignante à Chambéry, qui pique la curiosité de ses interlocuteurs — et la nôtre — avec ses poireaux…
Jérôme Rousselle : Pourquoi le poireau ?
Christelle Forestier-Jouve : J’aime bien travailler sur le cycle complet de la plante, métaphore de la vie. Je n’ai pas une attirance plus particulière pour le poireau que pour la betterave rouge ou la carotte mais disons que ce que j’aime chez lui, ce sont ses fleurs. Si je les dispose dans un bouquet, les gens les remarquent et me demandent ce que c’est. Et alors, ils sont « bluffés » quand je leur dis qu’il s’agit de fleurs de poireaux. Cette prise de conscience est super intéressante.
Jérôme : Comment l’utilises-tu durant tes ateliers ?…
Christelle : Avec ce légume, je vais pouvoir travailler des choses différentes selon mon public. Par exemple, quand les fleurs sont sèches, on peut facilement en récupérer les graines. Eh bien pour des personnes ayant des difficultés avec la motricité fine, une perte de sensibilité au niveau des doigts, des personnes âgées ou souffrant de problèmes neurologiques, etc., il suffit de mettre la fleur sèche dans un sac et frotter ce dernier entre les paumes de ses mains pour en faire tomber les graines. En revanche, pour les personnes bénéficiant d’une meilleure sensibilité au niveau des doigts, la récolte peut se faire grain par grain. Autre particularité du poireau : ses graines sont très petites. Si des personnes mal-voyantes participent à l’atelier, je vais les disposer sur un support blanc pour qu’elles soient mieux visibles. En tant que jardinière soignante, j’accompagne les participants dans leurs gestes. Si une personne est non ou mal-voyante, je lui demande toujours depuis quand. Cela me permet de savoir de quelle mémoire visuelle elle dispose. En effet, selon qu’elle a vu ou non, dans le passé, elle aura une attitude différente vis-à-vis du végétal, sur les plans de la perception et de la représentation physique et esthétique de la plante bien sûr, mais aussi en terme de psychomotricité.
Et puis, il y a l’affectif. Le poireau permet de faire remonter des souvenirs, notamment sur les manières dont on a pu le manger ou le cuisiner. L’évocation d’un légume est toujours associée à ce qu’on en fait au niveau culinaire et le poireau à la vinaigrette est un grand classique ! Pour certains, cela évoquera aussi des souvenirs d’une enfance rurale : « Ça me rappelle les poireaux de mon papa au fond du jardin. Il m’obligeait à les ramasser. Je n’aimais vraiment pas ça ! » Par ailleurs, je suis souvent impressionnée par le fait qu’il faut encourager ces publics à toucher, à sentir, à goûter, comme s’ils avaient une certaine distance vis-à-vis du vivant.
Jérôme : Tu as évoqué les publics avec lesquels tu travailles. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce propos ?
Christelle : Je travaille essentiellement —mais pas uniquement — avec des personnes âgées, dépendantes ou non. J’ai démarré mon activité (dans le cadre de l’association Les Petites Bulles Vertes) en pleine pandémie, en unité de vie protégée (UVP). Je suis très à l’aise avec ce public. C’est mon point de départ, à partir duquel je m’ouvre à d’autres. J’ai ainsi travaillé également avec un centre social, avec des personnes âgées non dépendantes ou encore animé des ateliers intergénérationnels avec des jeunes enfants. Les deux publics peuvent se rejoindre d’ailleurs, sur certains plans. En UVP, avec les personnes atteintes d’Alzeihmer, comme avec les jeunes enfants, la concentration est dure à maintenir, et si je cherche à prendre un temps de pause après l’activité, pour goûter une infusion par exemple, je les perds. Donc à la fin de l’activité on se dit au revoir sans que je leur demande de partager leur ressenti par rapport à l’activité. En revanche, ce qui est important c’est qu’ils soient acteurs de l’atelier, donc je valorise ce qu’on a fait, ce à quoi ça va servir. Mais malgré ce que je viens de dire, les sourires, les « je me sens bien » fusent !
Jérôme : Que faisais-tu avant Les Petites Bulles Vertes ?
Christelle : Je suis soignante au départ, et cadre de santé pendant 10 ans. Et ayant depuis longtemps une passion pour le jardin, j’ai décidé de suivre la formation de Chaumont-sur-Loire, « Jardin de santé, jardin de soin et aménagement paysager ». Puis j’ai effectué un tour de France pour voir ce qui se faisait. Cela m’a rassurée avant de me lancer dans cette activité en 2020.
En tant que cadre de santé, il m’est arrivé d’enseigner à de jeunes infirmiers. Cela a développé ma fibre pédagogique et je me suis dit qu’il pourrait être intéressant de diffuser la connaissance de l’hortithérapie et du l’utilisation du jardin comme médiateur de soins. Donc aujourd’hui, à côté de mes ateliers, et nourrie de ce que je vis sur le terrain, j’interviens en tant que jardinière soignante dans des instituts de formation d’infirmiers et aides-soignants.
Dernière minute ! … 
À l’heure où paraît cette Infolettre, Christelle soutient son mémoire, aux côtés des 15 autres étudiants de la première promotion DU Santé et jardin – prendre soin par la nature, inauguré cette année au CHU de St Etienne. Sujet de son mémoire : « L’Enfermement réel et perçu par la personne malade en institution – les effets du jardin de santé et de l’hortithérapie pour ces personnes ». Toï toï toï Christelle !
Fiche d’identité du poireau
Nom commun : poireau
Nom latin : Allium porrum L.
Famille : Liliacées
Plante bisannuelle, de 50 à 100 cm de hauteur au fût formé de feuilles engainantes enserrant le bouton floral dans leur partie blanche et enterrée avant de prendre une couleur verte et de s’ouvrir en partie aérienne. Très gourmand en nutriments, le poireau demande un sol frais meuble et humifère et une situation bien ensoleillée. Le butter au fur et à mesure de sa croissance permet d’en augmenter la partie blanche.
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2 réponses sur “Plante à découvrir / Le poireau, un discret qui gagne à être connu”

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