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Plante à découvrir - Infolettre n°8

Plante image1Isabelle et les mousses à la japonaise

 

Membre fondatrice et ancienne présidente de la FFJNS, Isabelle Boucq revient d’un voyage au Japon, occasion pour elle de découvrir l’amour des Japonais pour… les mousses. Découvrez l'interview d'Isabelle menée par Jérôme Rousselle...

Jérôme Rousselle : Je m'attendais à ce que tu me parles des cerisiers en fleurs…

Isabelle Boucq : Quand je suis allée au Japon, une météo peu favorable avait retardé la floraison des fameux cerisiers ornementaux, les sakura, mais mon voyage m'a permis de découvrir le goût des Japonais pour un végétal : les mousses, ou bryophytes. En effet, si on veut découvrir le Japon, on visite forcément beaucoup de sanctuaires et de temples shintoïstes ou bouddhistes. Ces lieux sont toujours entourés de jardins, voire de parcs, très verts, où les mousses occupent une place centrale (1). Le climat très humide du pays est très favorable au développement de ces végétaux qui peuvent former de véritables tapis épousant les formes du terrain.

Plante image2J’ai été saisie par la sensation de douceur apaisante procurée par ces paysages, comme un édredon vert sous les arbres, douillet, dense, tendre et réconfortant. J’ai pu voir des jardiniers à l’œuvre et ai été impressionnée par le contraste entre la sensation de très grand naturel du résultat et la méticulosité de leur travail. Bien sûr, ces jardins de mousse ne sont pas faits pour être piétinés mais plutôt contemplés depuis l’extérieur.

 

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Bon à savoir

Alors, qu’en Occident, la mousse est souvent vue comme un ennemi, au Japon, elle est plutôt considérée comme un symbole de la vie : « De tout temps, les écrivains japonais se sont inspirés de cette plante pour exprimer divers aspects de la condition humaine, créant des expressions telles que kokemusu (se couvrir de mousse), qui exprime le lent passage du temps, ou encore koke no koromo (vêtement de mousse) pour décrire les robes simples et rugueuses des moines bouddhistes. (…) La mousse, quant à elle, était un rappel de l'inévitable destin fatal de tous les êtres vivants, comme l'exprime le dicton koke no shita (sous la mousse), qui signifie qu'une personne est entrée dans sa tombe. »

Ôishi Yoshitaka - La passion japonaise pour la mousse végétale, une importance culturelle et écologique

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Plante image3Jérôme : Vois-tu des qualités à la mousse qui pourraient la rendre intéressante dans le cadre d’un jardin thérapeutique ou d’ateliers d’hortithérapie ou d’écothérapie ?

Isabelle : Bien sûr, les capacités exceptionnelles de rétention d’humidité des mousses en ont fait des outils ou des supports incontournables pour certaines pratiques de compositions florales comme la réalisation de terrariums ou de kokedama, ces sphères de mousses servant de support à la culture de plantes. Pour ma part, c’est vrai que depuis cette découverte, je regarde les mousses différemment. En premier lieu, je suis frappée par le contraste entre leur extrême fragilité apparente, cette discrétion, une sorte d’humilité même, et cette force de vie qui s’accroche avec opiniâtreté. Au-delà de cette symbolique qu’il peut être intéressant d’évoquer avec certains publics, les mousses peuvent être un excellent support pour travailler l’observation : elles révèlent toute leur beauté quand on prend soin de les regarder de très près. En se mettant au ras du sol ou en utilisant une loupe, on découvre un véritable univers en miniature, paysage, forêt qui vont susciter la curiosité et la rêverie.

Jérôme : En quoi le jardin est-il important dans ton activité de psychologue ?

Isabelle : Quand j’ai découvert l’hortithérapie aux Etats-Unis, il n’existait pas grand chose dans ce domaine en France. Juste avant de regagner l'Hexagone, j’ai hésité entre pratiquer ou faire connaître l’hortithérapie. Étant journaliste à l’époque, cette seconde voie m'a paru la plus naturelle. C'est ainsi que j'ai créé mon blog, Le Bonheur est dans le jardin.

Depuis, j'ai repris des études et suis devenue psychologue. Je fais aujourd'hui partie de l’équipe mobile des soins palliatifs de l’hôpital Tenon, à Paris. Je travaille avec les patients, mais aussi beaucoup avec les familles ou les amis, parfois même après le décès de leur proche. Le jardin de l’hôpital Tenon a beaucoup évolué depuis quelques années et est devenu un lieu magnifique dans lequel patients, familles ou soignants passent ou prennent leur pause. J'y emmène parfois des personnes pour parler de leur proche en soins à l’hôpital. On mène notre entretien comme cela pourrait se passer dans le bureau mais être dehors change les choses. Sortir du service où est hospitalisé leur proche, aller au jardin, cela peut donner une respiration, permettre de se décentrer et faciliter l’échange.

J’exerce également en libéral, en province, à proximité d’une petite forêt. Il m’arrive d’y mener ma séance sans pour autant pratiquer d’exercice particulier, type bain de forêt ou observation. Le simple fait d’être dans cet environnement, de marcher côte à côte, au lieu d’être assis dans mon cabinet, peut avoir une incidence assez forte sur la forme et le contenu de nos échanges.

 

Jérôme : C’est en lisant « Le Bonheur est dans le jardin », que j’ai découvert la narration de ton voyage au Japon. Que t’ont apporté ces douze années de production de ce blog ?

Isabelle : Pour moi, ce blog a occasionné des rencontres passionnantes, des échanges qui m’ont vraiment nourrie, notamment pour ma pratique professionnelle. Un autre point est la grande satisfaction d’avoir contribué à faire se rencontrer les personnes et à développer l’intérêt pour les écothérapies et l’hortithérapie. Au bout de douze ans, je mets un terme à cette aventure passionnante notamment en raison du temps que requiert ma pratique de psychologue. Mais le blog reste consultable et je pense qu’il peut rester source d’inspiration pendant quelque temps encore. J'invite les lecteurs à utiliser le moteur de recherche du blog pour y piocher les informations, les contacts ou les démarches qui peuvent les intéresser.

(1) Le Saihō Ji, notamment, un temple bouddhiste zen près de Kyoto, est d’ailleurs surnommé le Kokedera (Temple des mousses)